La 4ème édition du Salon International du livre de jeunesse de Conakry s'est tenue du 18 au 21 novembre 2020. A cette occasion, nous sommes allés à la rencontre de l'organisateur de l'évènement, monsieur Aliou Sow, délégué général du Salon.
Vous avez récemment organisé, en tant que directeur des Editions Ganndal, la 4ème édition du salon international du livre de jeunesse de Conakry, dans un contexte très particulier, dû à la pandémie à COVID 19. De quelle manière cette pandémie a-t-elle affecté le déroulement initialement prévu ?
Je voudrais commencer par rappeler que ce Salon du livre jeunesse de Conakry tenu en 2020 faisait suite à l’édition 2019 qui avait reçu le Maroc comme pays invité officiel et qui avait réuni plus d’une quinzaine d’éditeurs et d’écrivains de livres de jeunesse de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Guinée, du Ghana, du Togo, du Mali et du Burkina Faso. Il était attendu que la France soit le pays invité officiel en 2020, à travers des éditeurs jeunesse des régions de l’Aquitaine, de la Bretagne, de l’Occitanie et des Pays de la Loire. L’arrivée de la Covid-19 et les restrictions de toutes sortes qui s’en ont suivi n’a malheureusement pas permis de concrétiser ce souhait.
Comme on pourrait aisément l’imaginer, le maintien et l’organisation de la 4ème édition du Salon International du livre de jeunesse de Conakry, tenu du 18 au 21 novembre 2020, n’ont pas été aisés dans ce contexte de la COVID qui affecte à la fois la vie des élèves, des écoles, des enseignants et des parents qui sont nos cibles primaires, et les conséquences multiformes de la pandémie qui découlent sur les vies personnelles du public en général.
C’est pourquoi, prenant en compte le contexte sanitaire général, des mesures spécifiques ont été mises en place, en vue d’éviter les concentrations de visiteurs au Centre culturel franco-guinéen (site habituel du Salon), de réduire le nombre d’écoles primaires et secondaires invitées ainsi que celui des élèves par classe visiteuse, de généraliser le port systématique du masque pour tous les élèves et les enseignants participants aux activités d’animation littéraire et de permettre la distanciation sociale (limitation du nombre de stands par site) ainsi que la disponibilité de gels hydro alcooliques sur tous les sites.
Aussi, tenant toujours compte des implications de la COVID, nous avons placé ce Salon sous le thème de rôle du numérique pour concrétiser les principaux enseignements que notre maison d’édition a tirés de ces 8 derniers mois car, en réponse justement aux effets de la pandémie, Éditions Ganndal a très tôt pris l’initiative, dès la fermeture officielle des écoles, de monter une bibliothèque numérique gratuite pour offrir pendant 4 mois de la lecture gratuite aux élèves guinéens sur tous nos livres numériques de jeunesse. Ce choix participait aussi de l’effort de contribution de notre maison à la continuité pédagogique dans les écoles primaires et secondaires.
Quelles dispositions spécifiques avez-vous dû mettre en place ?
Au-delà de ces dispositions d’ordre sanitaire et logistique, je dois dire que la grande innovation introduite, comme mesure spécifique permettant d’éviter les grands rassemblements en un seul endroit, est la décentralisation des activités aux 5 communes de Conakry, contrairement à l’habituelle localisation au seul Centre culturel franco-guinéen, permettant ainsi de rapprocher le livre de jeunesse des élèves et étudiants dans les quartiers de la capitale. Ceci n’avait jamais eu lieu auparavant et l’engouement constaté aux six points d’exposition et d’animation retenus a montré le bien-fondé de cette initiative.
Ainsi, des six points décentralisés du Salon à travers la ville de Conakry, les jeunes ont pu participer activement durant les 4 jours aux jeux de lecture “Le Duel des livres” organisés à l’intention des élèves du primaire et du secondaire, suivis de distribution de chèques-livres offerts par le bureau du PNUD à Conakry aux élèves et écoles qui se distinguent.
Avez-vous été amené à réajuster vos objectifs prioritaires ?
Globalement parlant, nous n’avons pas réaménagé nos objectifs prioritaires. Nous avons simplement adapté le déroulement des activités aux impératifs du contexte sanitaire du moment.
Des écoles ont-elles pu participer de façon active ? La fréquentation du salon n’a-t-elle pas eu à souffrir des mesures liées au contexte sanitaire ?
Comme je l’indiquais plus haut, cette année nous avons réduit à 42 le nombre d’écoles invitées (22 écoles primaires et 20 écoles secondaires), à raison de 5 élèves représentant chaque école dans les jeux de lecture “Le Duel des livres”. Toutefois, la participation des autres élèves n’était pas exclue pour ce qui a trait aux visites des stands des éditeurs guinéens et africains exposants sur l’ensemble des sites.
Toutefois, on ne peut pas ignorer le fait que, de façon générale, le taux de fréquentation de ce 4ème Salon n’est pas identique de ceux observés les années passées. Les effets de la pandémie se sont faits ressentir à différents niveaux de l’organisation et du transport des enfants.
Il y a lieu de signaler aussi que plusieurs éditeurs et écrivains invités n’ont pu faire le déplacement de Conakry, en particulier ceux de France, dont la participation était pourtant confirmée, car la période a coïncidé avec celle du deuxième confinement dans ce pays.
Cette édition mettait l’accent sur la Numérique, considéré comme une « opportunité pour le livre de jeunesse ». De quelle manière le Numérique a-t-il contribué au succès de cette édition ? Plus largement, comment, selon vous, le Numérique pourrait-il faciliter l‘accès aux manuels scolaires et aux livres de jeunesse ? Avez-vous entrepris des initiatives dans cet objectif ?
Placée effectivement sous le thème général « Le numérique, une opportunité pour le livre de jeunesse», le Salon 2020 qui s’est déroulé en mode dual : présentiel pour les stands et les jeux de lecture des élèves, et virtuel pour les animations littéraires avec des professionnels invités de France n’ayant pas pu se déplacer à cause du reconfinement (écrivain lauréat du prix de l’OIF des 5 continents 2019 et scénariste de BD de la région Occitanie en particulier), nous avons cherché à démontrer que, face aux difficultés de commercialisation et de promotion du livre papier en cette année de pandémie, une opportunité majeure s’offre à nous à travers le livre numérique.
Le choix de ce thème a été fortement influencé par les résultats très encourageants que nous avons enregistrés dès Avril 2020, à la suite de la brusque fermeture des écoles en lien avec la Covid, à travers la mise en ligne d’une bibliothèque virtuelle gratuite de livres proposée par les Éditions Ganndal sur son site, à l’intention de tous les élèves guinéens qui avaient ainsi la possibilité de pouvoir lire sans limitation des ouvrages sélectionnés de notre fonds jeunesse. Le constat fut très positif au niveau des consultations des jeunes internautes et, plus généralement aussi, la maison a réussi à faire plus de ventes de livres numériques que par le passé.
Ceci prouve également à suffisance que cette approche ouvre tout un boulevard aux livres scolaires numériques qui peuvent être rendus disponibles en permanence à la consultation des élèves et des enseignants, pour autant qu’un efficace processus de partenariat public-privé puisse se nouer entre les Ministères et les éditeurs scolaires locaux.
Par extension, cette expérience aura également inspiré le Bureau régional de l’Unesco d’Abuja (Nigéria) qui, se saisissant de cette approche dans sa recherché de solutions de soutiens à la riposte éducative à la Civid-19 pour ses pays de couverture (Côte d’Ivoire, Bénin, Ghana, Guinée, Libéria, Nigéria, Sierra Léone et Togo) a fait appels à des opérateurs éducatifs dont les Éditions Ganndal pour initier et mettre en ligne une Bibliothèque éducative numérique* dénommée BELUGA-EDU.ORG. Celle-ci a remporté un bon succès car elle répondait aux attentes de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative de ces pays (élèves, enseignants, chefs d’établissements, parents, cadres de l’administration scolaire).
Pensez-vous qu’une démarche telle que celle du Livrescolaire.fr pourrait inspirer des initiatives éditoriales africaines, en proposant des contenus endogènes ? De quelle manière ?
Comme je le mentionnant un peu plus avant, il n’y a aucun doute que la démarche visant à valoriser l’utilisation du livre scolaire numérique est une opportunité de premier plan pour l’école africaine, pour autant que les conditions minimales d’accès et d’exploitation soient mises en place. Des expériences avérées comme celle du Livrescolaire.fr seront d’un précieux apport au plan pédagogique et technique.
Pour conclure, quel bilan tirez-vous de cette édition très spéciale du Salon international du livre de jeunesse de Conakry ?
Au vu du bon déroulé de cette 4ème édition du Salon du livre jeunesse de Conakry, en dépit des rigueurs des conséquences de la pandémie du Covid, nous sortons très réconfortés des résultats enregistrés dans ce Salon 2020. Nous nous réjouissons notamment de l’impact positif qu’a eu décentralisation des activités dans les quartiers de la capitale, de l’implication des autorités locales et de la distribution à la fois de chèques-livres ayant permis aux élèves et aux écoles de pouvoir acheter des livres de leurs choix et de repartir avec chez eux d’une part et, d’autre part, de la mise à disposition d’une quinzaine de Biblio-malles à des écoles primaires de Conakry et de l’intérieur du pays grâce aux efforts conjugués du Ministère de l’éducation, de l’Unicef, du PNUD et des éditions Ganndal. Nul doute que nous serons en mesure de mettre à profit pour la suite les leçons apprises à l’occasion de ce défi 2020 !
Un grand merci monsieur Sow, félicitations pour avoir relevé avec panache ce défi 2020 ! Nous suivrons avec intérêt le développement des activités de Ganndal, notamment en ce qui concerne les ressources numériques destinées au public scolaire.
*Bibliothèque En Ligne UNESCO-GANNDAL-APRELIA
Note : Il est possible de commander des ouvrages de Ganndal sur le site d'Africa Vivre
Voir également :
Les éditions Ganndal lauréates du prix 2017 du meilleur éditeur africain pour les livres de jeunesse
Pour en savoir plus sur Ganndal (YouTube, 10'24")