par Pascal Roy, Docteur en Philosophie et en Droit
C'est bien un poste d'observateur qu'il me faut conquérir dans ce discours pour pouvoir parler de l'accueil de la mort, de la manière dont elle se manifeste, se conçoit, s'exprime, s'exerce et se pense dans nos familles, nos quartiers, nos sociétés, notre monde. Et de cette observation, je constate que dans l'existence humaine, l'on flirte avec la mort partout, dans tout et en tous temps.. .
En effet, dans la vie courante, dans les médias, dans la religion, chez les savants..., partout, la mort est présente en idées comme en faits, en puissance et en acte. La vie n'existe comme telle que dans la mesure...où elle se dépasse, où elle s'oublie elle-même. Elle n'est riche que dans la mesure où elle peut être pauvre, c'est-à-dire selon la mesure de son amour... La mort n'a pas à être repoussée au terme de la vie; elle appartient plutôt au cœur de l'existence, non par le simple fait qu'on sait qu'elle adviendra, mais comme un acte. Elle est le sceau de l'entrée dans la vie toujours plus pleine, C'est la mort ainsi vécue activement qui rassemble toute la vie, renchérit Ferdinand ULRICH. Aussi longtemps qu'elle est, la réalité humaine est en permanence son pas-encore, de même également elle est , dès toujours, sa fin. Cette fin que l'on désigne par la mort ne signifie pas, pour la réalité humaine, être-à-la-fin, "être finie"; elle désigne un être pour la fin qui est l'être de cet existant. La mort est une manière d'être que la réalité humaine assume dès qu'elle est. "Dès qu'un humain vient à la vie, déjà, il est assez vieux pour mourir", disait Martin HEIDEGGER.
La mort touche donc tout le monde. Elle concerne chaque compartiment de la société. Elle est, également, le sujet qui intéresse le plus les médias. Bien sûr, ils ne sont pas les seuls à s'en préoccuper. Les concierges, les éboueurs et les footballeurs aussi. Mais ce qu'il y a de particulier avec les médias c'est qu'eux, ils en vivent. Vivre de la mort. Vivre pour la mort (être-pour-la-mort [Heidegger]) est notre condition. Vivre sur la mort (comme on dit vivre sur une rente) est la condition médiatique. La mort est donc omniprésente dans notre vie. Cette omniprésence de la mort a fait dire au philosophe Michel SERRES lors d'une récente chronique sur "France Info" : « Je vois maintenant les médias comme une église intégriste qui parle tout le temps de la mort et qui ne parle que de la mort. La répétition est toujours là et la répétition c'est l'instinct de mort. ». Les médias répètent, reprennent, égrènent chapelets d'images et de mots, vides de sens. Mais peu importe! Ce qui importe, c'est de répéter. On se souvient du 11 septembre 2001. Les images des « twins towers » (tours jumelles) passant en boucles. Les mêmes mots répétés. « On ne sélectionne les nouvelles que s'il y a plus de cent morts. C'est ça les nouvelles. Or ce ne sont pas des nouvelles du tout, c'est la répétition de la mort. Comment voulez-vous que l'Occident ne soit pas mélancolique ? », s'interrogeait Michel Serres. Certes, parler de la mort ne relève pas uniquement d'une pulsion morbide. La fonction de la vanité et du memento mori (locution latine qui signifie "souviens-toi que tu mourras") est positive: en prenant conscience de la mort prochaine et du temps qui passe, on « choisit » de vivre, plutôt que de se laisser envahir par la pulsion de mort et par les forces de la répétition. Mais, concernant le discours médiatique, qui souvent ne laisse guère de place à la réflexion, on peut s'interroger sur la récurrence des images de mort. Pour cela, faisons une expérience très simple. Prenons un journal comme le "Time" du 19 décembre 2005. Le titre en couverture : les meilleures photos de 2005. Les meilleures ? Ouvrons le magazine: "Rien n'est plus étranger ni plus noir que le coup fatal qui frappe chacun de nous. Certes, la vie elle-même n'est pas au point : quoi qu'il en soit, elle est notre demeure, c'est en elle que nous sommes présents, et il est possible de l'améliorer. En revanche, personne n'a jamais été vu présent dans la mort, si ce n'est sous forme de cadavre".
Avoir à être devient avoir à mourir. Durant toute notre existence, nous vivons dans l'attente de la mort. Car, la mort nous attend. Non comme un événement anodin bien entendu, mais comme l'événement qui n'a certes pas encore eu lieu, mais qui est programmé, dès le commencement de la vie, pour chacun d'entre nous. La mort est un mode d'être. Elle est là, inscrite en nous, et, tôt ou tard, il n'y aura pas moyen de l'esquiver. C'est ainsi que le dit Heidegger, lorsqu'il écrit : « La fin attend le Dasein, elle le guette. ». Concrètement, si le phénomène de la mort est en l'homme, cela signifie que la menace de la mort peut en tous moments de notre vie se réaliser, se transformer en une fin abrupte et bien réelle. Il parait clair, qu'à la différence de Jean-Paul Sartre, Martin Heidegger n'évite pas l'idée de la mort. Au contraire, il l'affronte. Il la présente comme une « imminence », non au sens d'un orage ou d'un déménagement qui pourrait être imminent, mais comme une possibilité indépassable. La mort attend le Dasein (l'être humain). Elle est l'anéantissement de toutes ses possibilités. Et le Dasein ne peut se substituer à cette mort annoncée. Il doit au contraire l'accueillir comme étant sa propre possibilité, et qu'aucun autre ne pourrait accueillir à sa place. La mort est partout, dans le Tout, elle est même d'un certain point de vue le Tout des choses : la vie nous parle de la mort, et même elle ne parle que de cela. Allons plus loin : de quelque sujet qu'on traite, en un sens on traite de la mort ; parler de quoi que ce soit, par exemple de l'espérance, c'est obligatoirement parler de la mort ; parler de la douleur, c'est parler, sans la nommer, de la mort ; philosopher sur le temps c'est, par le biais de la temporalité et sans appeler la mort par son nom, philosopher sur la mort ; méditer sur l'apparence, qui est mélange d'être et de non-être, c'est implicitement méditer sur la mort... La mort est l'élément résiduel de tout problème ... Tout me parle de la mort... mais indirectement et à mots couverts, par hiéroglyphes et sous-entendus. La vie est l'épiphanie de la mort, mais cette épiphanie est allégorique, non point tautégorique.
La mort, ce Maître absolu, ne peut pas ne pas provoquer, même chez les chercheurs les plus blindés, des réactions de panique, du fait que l'objet étudié est profondément interne (la mort est en nous en permanence), mais aussi, et peut-être plus encore, du fait du silence que nous renvoie la mort. Loin d'être un évènement banal, la mort désigne notre ultime possibilité, le noyau même de notre être. La mort est une problématique qui tient une place centrale dans la pensée humaine. Nous savons tous que tout ce qui est vivant meurt un jour. La pensée de la mort n'est pas la mort de la pensée.... Que ce soit les plantes, les animaux ou les êtres humains. On peut ne pas être satisfait de mourir, mais on ne peut pas s'empêcher de mourir car cela fait partie de notre existence. La mort est partout, plus que nous le croyons. Nous pouvons mourir en tous moments. Peu importe où on soit et avec qui on est. On n'est jamais à l'abri de la mort. On est jamais à l'abri de quoi que ce soit. Ce n'est pas parce que nous sommes au lycée, au travail et que notre journée se déroule parfaitement bien que notre père ou notre mère ne peut pas crever. Ce n'est pas parce que notre petit frère joue à Spiderman dans sa chambre que demain il ne peut pas se faire renverser par une voiture. Ce n'est pas parce que nos grands-parents se portent bien pour leurs âges qu'ils ne peuvent pas mourir d'une crise cardiaque. Vous voyez, nous ne sommes à l'abri de rien. Alors à chaque fois que nous allons de chez nous, disons leur tous au revoir comme si c'était la dernière fois.
La mort qui appelle tout à elle, m'appelle aussi... Elle est partout et on flirte avec elle. Il est clair que tout être humain recevra cet appel dont la réponse ne peut se discuter ; homme ou femme, pauvre ou riche, vieux ou jeune, beau ou laid, personne ne pourra refuser de répondre à cet appel du destin. On sera tous à ce rendez-de-vous crucial et on boira tous du même verre, à savoir la mort. Alors, pourquoi ne pas vaincre la vie en réalisant une œuvre qui trompe la mort...?
À l'ÉCOUTE ET TOUJOURS DANS LE RESPECT D'AUTRUI...!
GOD IS GREAT...!
Pascal ROY
Enseignant-Chercheur à l'Université et Consultant en RH
Docteur en Philosophie, Docteur en Droit,Médiateur dans les Organisations avec comme spécialité: Prévention, gestion et résolution de crises
Diplômé de Sciences Politiques