paru dans Fraternité matin, samedi 18 février 2012.
Depuis quelques mois, et cela à travers les discours des autorités gouvernementales dans la presse, il est de plus en plus question de l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans le système éducatif de la Côte d’Ivoire. A travers ces discours, le gouvernement entend mettre à profit le potentiel éducatif des TIC pour améliorer la qualité de l’éducation, de la formation et de la recherche en Côte d’Ivoire. Mais, il est important de le savoir, les TIC sont des outils à potentiel éducatifs. Et pour qu’elles soient des outils éducatifs, il importe d’avoir un contexte matériel et humain adéquat. Notre intention à travers cette contribution est de mettre en exergue quelques éléments de ce contexte matériel et humain.
Sur la thématique des TIC en éducation en Côte d’Ivoire, nous avons eu à participer à plusieurs rencontres (séminaires, conférences, colloques, etc.). Et l’analyse des discours des acteurs des structures sous tutelle des ministères en charge de l’éducation, de la formation et de la recherche fait ressortir et de façon récurrente trois points : le contenant, le contenu et la formation.
• Le contenant
o Les bâtiments : il faudra des bâtiments avec des salles fonctionnelles, c'est-à-dire disposant d’un certain nombre de prises de courant, d’écran pour des projections, etc. Pour ce faire, il faudra soit réhabiliter l’existant soit construire de nouveaux édifices.
o Les réseaux: en l’état actuel, aucune structure d’éducation, de formation et de recherche du public ne dispose d’un réseau intranet digne de ce nom. Il va falloir doter chacune de ces institutions de réseaux dédiés à l’éducation- local LAN, distant WAN, Wifi, etc. - avec accès à Internet. Et dans un souci de mutualisation des ressources, ces réseaux devraient être interconnectés entre eux et si possible à certains réseaux sous régionaux ou mondiaux.
o Le matériel informatique : il faudra équiper chacune des structures d’éducation, de formation et de recherche de matériels informatiques (ordinateurs, serveurs dédiés, onduleurs, vidéo projecteur, etc.) en nombre suffisant. Il faudrait aussi mettre en place des mécanismes afin que les administratifs, les enseignants et les étudiants puissent s’équiper à des tarifs préférentiels.
• Le contenu
o Les logiciels : en plus des logiciels standards, il faudra disposer de logiciels spécifiques dans le domaine de l’éducation, de la formation et de la recherche tout en n’omettant pas des applications de gestion. Pour ce faire, il ne faudrait pas battre en brèche les possibilités données par les logiciels libres dans le domaine de l’éducation, de la formation et de la recherche.
o Les ressources pédagogiques : toute cette infrastructure devrait pouvoir permettre de mettre à la disposition des enseignants et des apprenants des ressources éducatives en quantité et de qualité. Ici, il serait bien indiqué d’encourager la production de contenus pédagogiques locaux qui tiennent compte du contexte de vie des enseignants et des apprenants.
• La formation
o Les administratifs : il faudra renforcer les capacités du personnel de l’administration pour un usage efficace des TIC dans le processus de gestion et de management des structures d’éducation, de formation et de recherche.
o Les apprenants : la formation des apprenants devra porter sur des usages des TIC dans le processus d’apprentissage. Cette formation devra mettre un accent particulier sur le développement des compétences pour la recherche d’information et sur une certaine morale informatique. Il faut aussi former les apprenants à l’utilisation des outils de création et de gestion de contenus sur internet.
o Les enseignants : la formation initiale et/ou continue des enseignants devra quant à elle porter essentiellement sur l’intégration pédagogique des TIC (usage des TIC dans le processus d’enseignement). Comme chez les apprenants, cette formation des enseignants devra aussi mettre un accent particulier sur le développement des compétences pour la recherche d’informations sur Internet et l’utilisation des outils de création et de gestion de contenus sur internet.
o Le personnel d’appui spécialiste des TIC : ce personnel aura un rôle de suivi et de maintenance du matériel TIC mis à la disposition des structures d’éducation, de formation et de recherche. De plus, il devra assister sur le plan technique les administratifs, les enseignants et les apprenants pour une utilisation efficaces du matériel informatique mis à disposition. Ainsi ce personnel devra avoir une formation dans le domaine de la maintenance, de l’administration des réseaux informatique, de l’administration des bases de données, de la sécurité des réseaux informatique, etc.
o Le personnel d’appui spécialiste en Science documentaire : d’une part, ce personnel aura pour rôle de mettre à disposition aussi bien des administratifs, des apprenants que des enseignants des fonds documentaires adaptés aux besoins de chacun. D’autre part il devrait les assister et les accompagner dans le cadre leur recherche d’informations pertinentes.
A ces trois points souvent évoqués par les acteurs, nous ajouterons deux autres:
• L’énergie : il faudra penser à garantir une fourniture régulière d’électricité du moins pendant les heures de classe. Ce point nous semble important dans le contexte de nos pays ou le problème énergétique se pose avec acuité.
• La pérennisation : ici, il sera question de trouver des modèles économiques ou mettre en place des stratégies afin de pouvoir entretenir et si possible renouveler l’équipement informatique. En effet, nul n’est sans savoir que la durée de vie des équipements informatiques n’excède guère trois ans. Et très souvent en Afrique, une fois la solution mise en œuvre, cette question du renouvellement est mise aux oubliettes de sorte que quelques années après, l’on se trouve devant des salles pleines de carcasses de matériels informatiques.
Les cinq points (non exhaustifs peut être) que nous avons évoqués ci-dessus nous semblent aussi importants les uns que les autres. Et pour réussir l’intégration des TIC dans le système éducatif ivoirien, ils devraient être pris en compte, non pas dans une vision « séquentielle » mais plutôt dans une vision « combinatoire».
Bi Séhi Antoine MIAN, Ph.D.
Spécialiste des TIC en éducation
Chef de Service Scolarité Centrale de l’ENS d’Abidjan