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Intervention de Geneviève Puiségur-Pouchin, chef du projet Relia*, à l'Organisation internationale de la Francophonie, Paris, lors du Colloque Mira (Mouvement Ivoirien de Réflexion et d'Action) du 14 mars 2008.

* Ressources en ligne pour institutrices africaines (solidarité numérique, production, partage, échanges de savoir enseignant, entraide professionnelle, mutualisation des compétences et des savoir-faire, création d'un modèle d'apprentissage professionnel innovant avec les technologies nouvelles, dans un objectif de renforcement de la qualification professionnelle, valorisation socioprofessionnelle et autonomisation des femmes, équité entre genres)

Rôle de la femme africaine dans l'éducation et la formation

C'est au nom de la Maison des enseignants et des partenaires du projet Relia que j'exprime toute ma gratitude aux organisateurs du MIRA qui m'offrent le privilège de prendre la parole à cet atelier sur la place de la femme africaine dans l'éducation et la formation .

En même temps que le plaisir que j'éprouve, je mesure le côté périlleux de l'exercice qui soumet ma prestation à votre écoute, votre appréciation et vos questions, alors que votre expérience et vos connaissances sur cette question vont bien au-delà des miennes.
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Aussi est-ce avec beaucoup d'humilité que je viens échanger avec vous quelques réflexions inspirées par mon expérience d'enseignante et formatrice en Côte d'Ivoire, jusqu'aux années 90, puis de responsable associative au sein de la Maison des Enseignants et de l'Education tout au long de la vie, et de chef du projet Relia.
Le projet Relia constitue notre contribution à la réalisation de l'objectif Education pour tous en 2015 et s'attache à la problématique de la qualité dans l'éducation de base en Afrique francophone subsaharienne. Il concerne plus particulièrement les enseignantes, dont la présence et la qualification sont nécessaires pour attirer et retenir les filles à l'école, et il vise le renforcement de la qualité professionnelle des institutrices en mettant à profit la souplesse et la puissance de diffusion des contenus numériques. Rassemblant d'importantes institutions et des ONG du Sénégal, des partenaires institutionnels et associatifs français ainsi que des partenaires privés, il est parrainé par Aïcha Bah Diallo, qui a été ministre de l'Education de Guinée puis sous directrice générale de l' éducation à l'Unesco et actuelle conseillère spéciale du Directeur Général de l'Unesco, et par Mamadou Ndoye, ancien ministre de l'éducation du Sénégal et actuel secrétaire exécutif de l'ADEA (Association pour le développement de l'éducation en Afrique). Retenus par leurs obligations, ils saluent votre initiative et souhaitent à votre colloque tout le succès qu'il mérite. Je tiens à souligner combien le travail effectué par l'ADEA, et tout particulièrement par son Groupe de travail sur la participation féminine et son Forum des éducatrices africaines ont été source de réflexion et d'inspiration pour le projet Relia.

Le 6 mars dernier, à l'occasion de la commémoration, à l'ONU, de la Journée internationale de la femme, dont le thème cette année est Investir pour les femmes et les filles, son secrétaire général, ´ Ban Ki-Moon, a déclaré que « L'égalité des sexes n'est pas seulement un but en soi, c'est une condition sine qua non pour atteindre tous les autres objectifs de développement internationaux, dont les Objectifs du Millénaire pour le développement ». Or, à ce jour, l'objectif 2005 de parité entre les sexes n'est toujours pas réalisé ! En Afrique subsaharienne, de nombreux freins demeurent pour la scolarisation des filles et leur maintien à l'école : la pauvreté, les préjugés tenaces au sujet des capacités intellectuelles des femmes, les grossesses des adolescentes, le mariage précoce, les échecs en mathématiques et en sciences, ou encore le partage traditionnel des travaux ménagers. Les statistiques présentent un tableau sombre de l'éducation des femmes et des filles en Afrique. Dix-neuf pays d'Afrique subsaharienne ont des taux d'alphabétisation féminins inférieurs à 30 %, face à des taux masculins deux fois plus élevés, et moins de la moitié des filles âgées de 6 à 11 ans fréquentent l'école.
En moyenne, l'indice de parité selon le genre calculé sur le TAP ( taux d'achèvement du primaire) s'établit à 0,88 en 2004/2005, au détriment des filles (source UNESCO/Breda, rapport Dakar + 7) et, dans la plupart des pays africains, les disparités selon le genre sont accentuées lorsqu'on passe de l'admission à l'achèvement du cycle primaire. Des difficultés subsistent donc au niveau de la rétention, et donc de l'achèvement. La fuite des filles intervient particulièrement au niveau du cours moyen, où il semble que les familles effectuent des arbitrages, entre l'aide que la petite fille peut apporter au foyer et son maintien dans une école où la qualité de l'enseignement dispensé n'est pas toujours suffisante.
Or, nous savons que si les objectifs de parité entre les sexes ne sont pas tenus, on perd la possibilité :
1. d'augmenter la croissance par habitant dans une fourchette de 0,1 à 0,3 point
2. d'abaisser les taux de fécondité dans une fourchette de 0,1 à 0,4 point
3. d'abaisser le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans de 5,8 pour mille.

En Afrique, la quantité limitée d'opportunités en matière d'éducation et d'emploi pour les femmes réduit la croissance annuelle par habitant de 0,8 %. Sans cette réduction du taux de croissance, les économies africaines auraient doublé au cours des 30 dernières années.
En revanche, investir dans l'éducation des filles et des femmes enclenche un cercle vertueux. Alors que, s'il en a les moyens, un homme ayant fréquenté l'école y enverra ses fils, mais pas forcément ses filles, dans les mêmes conditions, une mère y enverra tous ses enfants, filles comme garçons. De plus, les investissements dans l'éducation des femmes qui n'ont pu exercer leur droit à l'éducation, même primaire, lorsqu'elles étaient jeunes, sont productifs en ce qu'ils garantissent qu'une proportion croissante de leurs enfants feront valoir leurs droits à l'éducation. Par exemple, une étude effectuée au Ghana a montré que 90 % des mères n'ayant pas achevé leur cycle primaire et n'ayant jamais suivi de programme d'alphabétisation envoient leurs enfants à l'école, alors que ce chiffre monte à 94 % si elles ont suivi un programme d'alphabétisation.
Il importe donc d'identifier les freins à la scolarisation des filles et les stratégies qui vont permettre de les lever. Etant donné l'urgence d'accélérer les progrès de l'éducation des filles, parvenir à la parité ne suffira pas, et au-delà, il faut remédier à la répartition inégale des chances dans l'éducation et dans la société en général.
Parmi ces freins, le nombre insuffisant d'enseignantes (45 %), et encore plus d'enseignantes bien formées, pour attirer et retenir les filles à l'école. La présence d'enseignantes rassure les parent, particulièrement lorsque les petites filles approchent de l'âge de la puberté, où elles sont fréquemment victimes de harcèlement sexuel exercé par leurs pairs et parfois hélas aussi par leurs maîtres. En revanche, le manque d'enseignantes a une incidence défavorable sur l'atmosphère dans les classes, et réduit le rôle de modèles et d'incitation pour les filles à poursuivre leurs études que pourraient avoir les enseignantes ; ce manque d'enseignantes renforce également l'association symbolique entre espace scolaire et autorité masculine.
En outre, ces enseignantes accèdent moins à la formation professionnelle que leurs collègues hommes : assumant les charges domestiques, elles rencontrent des difficultés pour assister aux formations dans les centres régionaux, et par ailleurs les pratiques culturelles restent discriminantes. Or, les besoins de formation sont immenses et sans cesse croissants, et le nombre d'enseignants formés n'arrive pas à suivre l'accroissement démographique.
En effet, la réalisation du 2ème objectif de l'Education pour tous en 2015 nécessitant le recrutement de 4 millions d'enseignants en Afrique subsaharienne, dans la dernière décennie, onze pays au Sud du Sahara ont procédé à un recrutement massif de maîtres, notamment d'enseignants non fonctionnaires.
Pour augmenter le nombre d'enseignants et établir un lien entre la formation et le monde réel de l'enseignement, plusieurs pays ont raccourci la durée des programmes de formation et mis l'accent sur la pratique in situ.
Le pourcentage d'enseignants formés est en recul dans un certain nombre de pays, souvent dans de très fortes proportions.
Souvent isolé(e)s, compte tenu des distances et de la difficulté des transports, éloigné(e)s des ressources pédagogiques (ressources documentaires, formations), ces enseignant(e)s, envoyé(e)s devant les classes sans formation, sont confronté(e)s à de graves difficultés professionnelles, engendrant la démotivation, la baisse de leur investissement professionnel et de la qualité de leur enseignement, entraînant également le découragement, voire la fuite des élèves.

Concernant spécifiquement le Sénégal, plus de trois mille Volontaires de l'Éducation sont annuellement mis en service dans les classes après une formation initiale d'environ six mois.
Par ailleurs, au milieu des années 80, a eu lieu un fort recrutement d'institutrices peu ou pas diplômées, non formées, titularisées depuis lors, mais dont le niveau de qualification professionnelle reste bas. Elles sont en poste pour la plupart sur la région de Dakar, où le corps enseignant du primaire est féminisé à 80 %.

En outre, bon nombre de maîtres, sinon la totalité, éprouvent énormément de difficultés à appliquer une pédagogie fondée sur le développement de compétences qu'exige la réforme curriculaire actuellement mise à l'essai dans l'optique d'une généralisation dans les écoles.
Le système éducatif sénégalais, à l'instar d'autres systèmes éducatifs africains, demeure fortement tributaire des méthodes traditionnelles d'enseignement. L'apprentissage scolaire se résume dans la presque totalité des classes à une transmission de connaissances plus ou moins abstraites occasionnant des lacunes préjudiciables à la poursuite des études au niveau de l'enseignement moyen général ou des filières de formation socioprofessionnelles.
L'offre de formation continue reste, par ailleurs, nettement limitée par rapport à la demande de perfectionnement pédagogique.
Il s'impose dès lors la nécessité de développer à large échelle un dispositif opérationnel de formation qualifiante des enseignant(e)s, en recourant à des stratégies susceptibles de compenser les déficits de formation constatés.
La formation devant se faire au plus près du lieu d'exercice, au moins pour la majeure partie, les technologies de l'information et de la communication constituent un outil particulièrement intéressant. Elles offrent de larges opportunités de capitalisation de savoir-faire pédagogique à l'échelle nationale et internationale, d'échanges et d'auto formation sur le plan de la capacitation professionnelle des maîtres.
Sous ce rapport, le Projet Relia, en partant du Sénégal comme champ d'expérimentation, s'inscrit dans la dynamique de renforcement des initiatives en cours dans le domaine de la formation des enseignant(e)s en Afrique Subsaharienne. Sous-tendu par une logique constructiviste et compensatrice, il privilégie les besoins et les attentes des institutrices et des filles, en s'attachant à favoriser leur participation et leur valorisation.

Par le biais d' Afrikéduc, site d'e-learning collaboratif, et de la messagerie électronique, il mettra à disposition des enseignants du primaire, en privilégiant les femmes, des ressources numériques documentaires et pédagogiques contextualisées directement utilisables en classe, conçues sur place par des formateurs de la FASTEF (Faculté des sciences et technologies de l'éducation et de la formation, ex-ENS), des inspecteurs du primaire et des directeurs d'EFI (Ecole de formation des instituteurs) en y associant les bénéficiaires. Ces ressources seront adaptées aux curricula locaux, feront une place aux langues nationales, prendront en compte le genre et veilleront à proscrire toute représentation discriminante envers les filles, mais bien au contraire à les valoriser, en tant qu'êtres humains et d'actrices primordiales du développement et de l'éradication de la pauvreté. Les bénéficiaires seront associées à la conception de ces ressources, de façon participative et interactive, dans des centres multimédias bénéficiant d'un équipement technologique innovant, associant tableau blanc interactif et espace numérique de travail.
Le projet créera également un espace numérique collaboratif de dialogue, d'échanges professionnels et de construction collective, à la fois entre enseignants français et enseignants africains, et aussi de façon transversale, entre enseignants africains. Cet ENT sera étendu au centre Repta de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), en utilisant et en adaptant les contenus numériques conçus à Dakar, de façon à produire de contenus spécifiques au public des exclus (enfants des rues). Le Repta (Réseau éducation pour tous en Afrique) scolarise les exclus de l'éducation (les ruraux, les enfants des rues, les enfants qui travaillent, dont les filles constituent la majorité).

Un axe du projet consiste en la formation de binômes d'instituteurs français/africains, en contact permanent par la messagerie ou l'Internet, pour dialoguer, échanger, construire autour des questions professionnelles. Ces partenariats d'enseignants se prolongeront dans le jumelage des écoles et d'échanges entre les écoliers par Internet (blogs d'écoles, messageries électroniques), en veillant tout particulièrement à favoriser la présence et l'implication des filles, ces jumelages s'appuyant sur le réseau Sénéclic (action de coopération décentralisée Sénégal/grand Besançon, regroupant une quarantaine d'écoles reliées à l'Internet, et à terme toutes les écoles sénégalaises).
Il ne s'agit bien évidemment pas d'exclure les maîtres ni les garçons, mais de favoriser la participation féminine et sa valorisation, pour le plus grand bien de tous.
Une enseignante en situation de réussite professionnelle est un puissant stimulant pour les filles, à la fois comme confirmation de leur propre légitimité à être à l'école et au-delà comme modèle de femme autonome et actrice du développement socio-économique qu'elles pourront aussi devenir par l'école. Par ailleurs, ces institutrices, par le modèle de formation basée sur les TICE et l'environnement innovant (TBI, ENT, Internet) seront des pionnières en la matière, et à même de devenir elles-mêmes des formatrices pour leurs collègues, femmes et hommes. De même, les centres pour les exclus, en commençant par celui de Bobo-Dioulasso, bénéficieront d'un équipement innovant que n'ont pas les écoles du formel, et pourront être utilisés comme centre ressources pour les maîtres du formel, bref, le monde à l'envers. Nous pensons en effet qu'il faut aller au-delà de la logique de compensation, et mettre à profit les TICE, dans le contexte de liberté et de créativité que nous permet notre qualité d'ONG, pour favoriser une accélération du changement, et un renversement du regard, les femmes se saisissant des nouveaux outils pour acquérir de nouvelles compétences professionnelles et être les vecteurs du changement.

Nous partageons pleinement l'opinion de Koïchiro Matsuura, Directeur général de l'UNESCO, qui a rappelé 8 mars dernier, lors de la journée internationale de la femme que « Ce qui est un progrès pour les femmes est un progrès pour tous. »

Contact :
Geneviève Puiségur-Pouchin :  Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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